Le réel s’évapore dans l’oubli .
Une brise amicale, une piste orangée dans le vert d’une herbe tendre, ruisseaux cristallins, oiseaux moqueurs… Le réel s’évapore dans l’oubli. Dans l’instant, une paresse bienheureuse enivre l’esprit assoupi qui se satisfait de la douceur de l‘air.
Une chorba, un lipiochka croustillant dévorés en tailleur avec vue sur la piste qui en larges courbes s’élance vers le ciel et n’attend que nous.
Des cailloux, des pavés acérés, des trous béants de poussières resituent rapidement l’action dans une réalité moins onirique. Pousser dans la caillasse réveille la conscience qui calcule soudainement en heures et km. Le soleil descend, plongeant les flancs dénudés des montagnes dans une pénombre inquiétante.
Seul un halo de lumière dorée illumine la cime lointaine. L’artère sombre de la route s’envole dans un nuage délavé.
Ciel enflammé et rougeoyant en haut du col.
Un œil sur la descente me lave de toute fatigue.
Un gouffre dégoulinant dans l’ombre en lacets serrés accrochés à la pente. Un kamaz rugissant s’agrippe sur un devers coupant bientôt suivi par une file impressionnante de camions hurleurs lâchés dans l’arène de roches déchiquetées.
Les ténèbres s’abattent dans la faille étroite, avalent les ombres.
La poussière vole et les yeux grands ouverts se cognent paniqués sur une brume solide que crève par instant le faisceau lumineux des phares. La peur m’engloutit comme le brouillard. Tout en bas, une lumière semble posée au fond d’un puits sans fond. Descendre, s’user le regard sur les pièges, les pierres jaillissantes, les cavités cachées. Faire front avec humilité aux monstres d’acier criant dans ce cauchemar.
Les kitaï creusent un tunnel et signent la mort de la route infernale. Le soir, une vanne s’ouvre libérant un flot continu de trafic tonitruant puis se referme le jour faisant place au chantier.
La voie est à nous pour descendre sur Aïni.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire