11.12.08

Sh Shasleeva Pootee ! Oct - Novembre 2008

21 jours. Pas un de plus. Tong !
Un coup de tampon. Milicia. Tong ! Adno marka. Reguistrare. Pch'. Un pneu à plat. Gastinitsa. Nieto. 25 euros. Gloups ! Passeport. Emigrate. Paf ! Un pneu éclate. Ououh! vent sud ouest force 8. 6 heures. Il fait nuit. Granitsa. Plus que 2 jours. Tong ! Dokument. Tong ! Dernier coup de tampon. Shasleeva Pootee.

" Imagine there's is no countries
Imagine all the people
living life in peace.
... sharing all the world." (1964 John Lennon. Imagine.)

Merveilleuse utopie d'un monde sans frontière, sans mirador où le voyageur pourrait flâner sans compter.
En Russie, pour deux tortues, c'est trop court, trop vite.
Les pneus chinois rongés par la piste mongole explosent un à un. Ed opère tous les matins, pose des prothèses de caoutchouc, panse les roues à grand coup de scotch vert - canard. Les vélos hoquettent sur le bitume, tressautent atteints de parkinson donnant l'horrible sensation de pédaler sur des oeufs.

Les journées raccourcissent autant que les distances journalières.
La " Chuisky track " se perd dans une vallée gigantesque où une rivière émeraude gronde comme le tonnerre, bouillonne violemment. L'Altai aux cimes saupoudrées de neige légère barre l'horizon cobalt. Au village,une odeur de feu de bois, d'humus flotte dans l'air épuré. La gelée de la nuit glougloute, dégouline des toits de fer blanc scintillant au soleil de midi. Les " dachas " en rondins de mélèzes aux fenêtres bleu-roi naïvement sculptées sont plus jolies que jamais.
Qu'il ferait bon s'y arrêter, s'imprégner de cette ambiance montagnarde, goûter à la volupté du " bagna " au fond du jardin endormi. Mais la roue tourne.
La tente cachée sous les bouleaux graciles à la peau blanche et délicate, nous dormons comme des loirs décomptant les heures nous séparant du coup de tampon final.

Dans la plaine, un vent invisible balaie l'immensité des champs sans couleur, arrache le visage, siffle dans le garde-boue, bloque les vélos jusqu'à les abattre dans le fossé.
La patience à rude épreuve, il faut se forger une volonté d'acier pour avancer à l'allure d'un escargot.
A Petropavloskoe, au " tcentrre ", un Lénine abandonné se rappelle du bon vieux temps du CCCP. Au " Magazin ", l'épicière en blouse blanche, au décolleté généreux nous toise de son regard cerné de mélancolie. Elle pèse les pyechyenyeh sur la balance à aiguille, fait claquer les billes en bois du boulier de comptoir.
- " Dva rhleb + adno vodka + shiteri snikerrs + adno kefirr + nescafé = Sto rroubleys trree kopec. "
Des gamins à la peau transparente, le visage mangé par d'immenses yeux délavés mènent un char à cheval avec un plaisir évident. Ils se moquent du vent.
Dimanche, chez Anna et Andrei, le thé réveille nos corps engourdis dans la cuisine ensoleillée. La photo souvenir, des gants et des chaussettes en pure laine vierge dans les sacoches, le siroco des sables rouges n'a qu'à bien se tenir, le moral est au beau fixe.

Jour J moins 2. Le vent se surpasse. Les papiers volent à l'horizontale, des buissons épineux roulent dans la poussière à une vitesse folle. Impossible de pédaler. Une Lada verte nous offre son aide pour 3000 roubles, le prix d'un Calcutta BKK en aéroplane. Comme des navigateurs, nous tirerons un bord vers le Nord. Vent arrière force 8 pour atteindre Pospelina et s'engouffrer dans un autocar !
Rubstovk, dernier jour, derniers kilomètres, dernière bataille contre le temps. Le mirador se profile à l'horizon annonçant la "granitsa". Une chapka en peltex bleuté, un regard glacé, des rangers fourrés, un coup de tampon.

Sh Shasleeva pootee ! (bon voyage) . C'est le Kazakhstan !

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