20.6.08

La " face " des Chinois


" Un rien froisse le Chinois.

Un gosse a affreusement peur des humiliations.

Qui n’a pas été Poil de carotte ? La peur des humiliations est tellement chinoise qu’elle domine leur civilisation. Ils sont polis pour cela. Pour ne pas humilier l’autre. Ils s’humilient pour ne pas être humiliés.

La politesse, c’est un procédé contre l’humiliation.Ils sourient.

Ils n’ont pas tant peur de perdre la face, que de la faire perdre aux autres. Cette sensibilité, véritablement maladive aux yeux de l’Européen, donne un aspect spécial à toute leur civilisation. Ils ont le sens et l’appréhension du "on dit". Ils se sentent toujours regardés… "Quand tu traverses un verger, garde-toi, s’il y a des pommes, de porter la main à ta culotte et, s’il y a des melons, de toucher à tes chaussures." Ils n’ont pas conscience d’eux, mais de leur apparence, comme s’ils étaient eux-mêmes à l’extérieur et s’observant de là. De tout temps exista dans l’armée chinoise ce commandement : "Et maintenant, prenez un air terrible!"

Même les empereurs, quand il y en avait, avaient peur d’être humiliés. Parlant des Barbares, des Coréens, ils disaient à leur messager: "Faites en sorte qu’ils ne rient pas de nous." Etre la risée ! Les Chinois savent se froisser comme personne et leur littérature contient, comme il fallait s’y attendre de la part d’hommes polis et aisément blessés, les plus cruelles et infernales insolences
. "

Henri Michaux . Un Barbare en Asie, Gallimard, Paris, 1933.


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