Nuit de Chiiiine !
A chaque pays son hôtel, refuge d'une nuit ponctuant la route du voyageur.
La Chine a ses lüches, mot imprononçable que le laowaï* se doit de connaître pour trouver un lit bon marché.
Du nord au sud, d'est en ouest, la lüche* offre bien des constantes.
Derrière un comptoir poussiéreux, une puya hilarde s'esclaffe et hurle à la vue de nos longs nez.
En moins de temps, qu'il ne faut pour le dire, elle nous installe dans sa plus belle chambre et grimpe allègrement les trois étages chargée de nos sacs oranges.
Gardienne des clés et des thermos de kai shue, elle disparaît mystérieusement et des " Puyaaa, puyaaa..." de clients impatients ricochent alors contre les murs crasseux d'un couloir sombre.
Attention, la puya curieuse apparaît sur votre lit sans crier gard, semblant passer à travers les murs comme une héroine de shaolin.
Les voisins, la porte ouverte jouent aux cartes dans un nuage de fumée, le pantalon remonté jusqu'au genou dévoilant des mollets blancs sans poil dont la ligne galbée se voit coupée par une chaussette mi-bas en nylon grise.
Les graines de tournesol craquent sous la dent en un petit bruit sec avant de terminer crachées mollement au sol et former un petit tapis. La tension est à son comble. Puis le jeu claque sur la table, chacun hurlant son bonheur ou son désespoir sans retenue.La lumière blafarde du jour, le bruit matinal de la rue passe par le rideau à moitié décroché de la fenêtre: moteur pétaradant d'une machine infernale née du mariage d'un tracteur et d'une machine à coudre, raclement de gorge de ténor finissant par un crachat sonore, voix répétitive et nasillarde d'un petit haut parleur vantant la bonne affaire à " san kwai.". Ces sons rituels du matin me rassurent sur la journée qui s'annonce.
Devant la porte, nous chargeons les vélos. La puya, appuyée sur un balai se terminant par une pieuvre dégoulinante et ragoûtante, les avant bras cachés sous des manches élastiques bleu d'encre nous observe malicieusement.
Les voisins la rejoignent et nous interpellent joyeusement.
Les mots Fagua *, zisinshe * résonnent dans l'air . La puya droite comme un i semble fière ce matin.
Nous partons, je me retourne. Tous nous saluent d'un geste maladroit comme si ils agitaient la main gauche semblant effacer notre silhouette pour retourner dans leur vie sédentaire.
*
lüche : Petit hotel
Fagua: France.
zisinshe: vélo.

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